Voici pour vous, Chers Lecteurs, le test de Card Shark. Mais que la scène indépendante est talentueuse ! Les joueurs n’ont jamais eu autant de choix. Pour les développeurs, tirer leur épingle du jeu n’a donc rien de simple. Mais nous pouvons faire confiance à Devolver Digital dans leur rôle de dénicheurs de talents. Leur catalogue de titres est d’une qualité rare. Ces chercheurs d’or ont trouvé un sacrément bon filon avec Nerial et leurs bonnes idées (ce sont eux derrière la série Reigns). Certes, les jeux de cartes sont légion sur quelque support que ce soit. Mais un jeu nous apprenant à tricher, à filouter, à mener en bateau… C’est tout simplement du jamais-vu. Dans la France du XVIIIe siècle, notre but sera donc de devenir riche, et ce de la plus vicelarde des manières. Un régal.

Les Misérables (Victor Hugo)

Il s’agit de bien comprendre ce qu’est Card Shark. Le but ne sera pas de participer à de réelles parties de cartes. Nous ne passerons pas des heures à contempler notre main et, surtout, nous n’attendrons rien de la chance. Le but de ce jeu est de soigneusement préparer nos vilains tours avec notre complice et de parvenir à les mettre en place sans éveiller les soupçons. La chose est loin d’être simple et demandera de l’entraînement. Mais n’allons pas trop vite en besogne. Comment nous retrouvons-nous donc à suivre une carrière de tricheur ? Jeune homme muet officiant dans une auberge comme garçon de salle, sous les ordres d’une grosse matrone méchante et castratrice, notre vie est bien triste. Les choses changent le jour où nous faisons la rencontre du Compte de Saint-Germain, filou d’exception s’il en est. Ce dernier, buvant tranquillement un verre, nous demande alors si nous faire un peu de sous nous intéresserait.

Bien entendu, nous acceptons et nous voici à apprendre notre première technique joliment nommée “la bouteille de Cahors”. Celle-ci tient au fait d’annoncer à notre acolyte la couleur la plus forte se trouvant dans la main adverse grâce à nos mouvements tandis que nous essuyons la table. Mais nous allons en venir au gameplay des plus singuliers un peu plus loin, finissons d’abord de poser l’ambiance. Malheureusement, cette première entreprise se passe mal car le monsieur floué est très nerveux et sort donc un antique pistolet de duel. Alors que des clients tentent de le désarmer, le coup part et la patronne se prend la balle perdue. Tous les clients fuient et alors que nous ne savons pas trop quoi faire, le Comte de Saint-Germain nous invite à le suivre après nous avoir clairement fait comprendre que nous faisons un coupable idéal. Les gendarmes n’étant pas du genre à faire du zèle s’ils peuvent vite boucler leur affaire.

Outre les cartes et leur maniement, un scénario très intéressant se déroule peu à peu au gré des parties. La haute bourgeoisie et ses dérives… Notre bon protecteur en fait partie, mais d’une façon toute autre que la plupart. Il ne vit que pour les duper et est affilié à un clan de gitans avec lesquels il partage les mêmes valeurs. A savoir, l’entraide et l’appât du gain. Ceux-ci offrent également une quasi-invisibilité à quiconque voyage à leurs côtés, personne ne s’intéressant à leurs faits et gestes. Escroc notoire, notre cher Comte de Saint-Germain a donc ses entrées parmi les va-nu-pieds du royaume. Et nous voici introduit dans la communauté. Régulièrement, le Comte reversera une part de ses gains au chef du camp. Il nous sera alors demandé combien nous voulons donner à notre tour. A vous de voir, dites-vous juste que cela pourrait bien changer le cours des choses. Le joueur se rend vite compte que le Comte poursuit un autre but que la simple richesse. L’aiderez-vous à mener sa quête à bien ou ne penserez-vous qu’à vous enrichir ?

L’église d’Auvers-sur-Oise (Vincent Van Gogh)

Il faut aimer la bande-dessinée européenne et la peinture pour apprécier les graphismes de Card Shark à leur juste valeur. Ils sont vraiment beaux et quelque chose de poétique s’en dégage. Devant l’un des jolis paysages croisés en chemin in game, cela est normal si le souvenir d’une peinture de Van Gogh vous vient à l’esprit. Si tel courant existait dans le monde du JV, alors nous pourrions classer cette œuvre parmi celui des impressionnistes. Nous ressentons vraiment l’ambiance tellement spéciale de cette époque des Lumières où tout n’était que philosophie, science, jeu… Ce sont moult figures historiques que nous aurons l’honneur de croiser (et de blouser). A l’image de Voltaire et sa désinvolture. Lui qui nous demande d’escroquer des gentilshommes et de tout leur prendre. Le but étant de les observer dans leur déchéance, ayant perdu jusqu’au dernier sous, et ainsi avoir son sujet d’écriture. La pitié ou l’empathie n’étaient pas sentiments courants à cette époque. Du moins, vous faisiez mieux de laisser cela de côté si vous désiriez survivre. Mais revenons à la réalisation. Nous avons donc là un jeu aux superbes graphismes. La finesse du dessin, la colorimétrie choisie avec soin, l’animation détaillée… C’est un sacré travail qui fut fourni pour nous retranscrire cette atmosphère atypique. Chapeau les artistes.

Le côté sonore de l’œuvre de Nerial est du même acabit. La musique sublime ce que nous voyons à l’écran. Une adéquation parfaite entre la vue et l’ouïe plonge littéralement le joueur dans cette époque où, à l’inverse que pour nous autres hommes “modernes”, la beauté sous toutes ses formes étaient bien plus importante que le fonctionnel. L’art était vu pour ce qu’il est, du génie ou un don divin. Les développeurs de Card Shark ont réussi à “capturer” l’essence de ces temps singuliers et à la retranscrire dans leur jeu. Du grand art, c’est le cas de le dire. Manette en mains, nous sommes détendus, tranquilles. Les airs de flûtes, de clarinette ou de je ne sais quel instrument de l’époque font que notre esprit vogue nonchalamment tandis que nous visitons les villes de France et nous aident à nous souvenir de la chose importante à ne pas perdre de vue : la vie n’est qu’un gigantesque jeu. Celui-ci est d’ailleurs une véritable lettre d’amour à notre pays. Nerial est un studio anglais mais aucun doute sur le fait que certains de ses collaborateurs aient étudié l’Histoire de France pour retranscrire cette période avec une telle méticulosité teintée de féerie. Admirable.

Cinq cartes à abattre (Henry Hathaway)

Comme le veut l’adage, nous avons gardé le meilleur pour la fin. N’oublions pas que nous sommes là avant tout pour devenir plein aux as. Vous le savez, l’idée principale de Card Shark est de nous apprendre à tricher aux différents jeux de cartes et autres attrape-nigauds de rue à l’instar du Bonneteau. La chose folle est que les tours de passe-passe que nous apprendrons sont réalisables en vrai. Du moins, c’est qu’il semble. Si en réalité cela demanderait de faire preuve d’adresse, utilisant beaucoup le sens du toucher, c’est notre mémoire ainsi que notre sens de l’observation qui sont ici mis à rude épreuve. Il faudra parfois retenir un certain de nombre de cartes, leur puissance et leur couleur, plus le sens de distribution à la table de jeu, plus le nombre de coupes à appliquer au paquet pour que la carte que nous voulons se retrouve à la bonne place… Et ainsi de suite. Chaque technique nous est dûment expliquée. Il est possible de les revoir à volonté et de s’entraîner avant de se lancer dans une véritable partie. Nous jouerons parfois le rôle du serviteur un peu benêt, devant alors verser le vin et communiquer avec notre complice sans que cela se voie, mais nous nous assiérons également autour de la table avec les autres joueurs, devant alors faire preuve de nos talents. Il y a toujours une mise de base que nous pouvons doubler si nous sommes sûrs de nous. Autre difficulté : la jauge d’énervement et de suspicion des autres joueurs. Celle-ci monte continuellement, ne nous laissant pas le loisir de prendre notre temps. Il faut réfléchir et agir assez vite pour paraître naturel. Ce sont là les premières qualités d’un tricheur désireux de rester en vie. Capacité d’analyse et de mémorisation, vivacité de réflexion et jeu d’acteur. Le combo gagnant.

Le gameplay de Card Shark est simple, mais loin d’être simpliste. Comprenez qu’il s’appréhende très vite, si vous êtes attentif aux explications, mais le mettre en pratique tout en tâchant de ne pas être trop long pour ne pas paraître suspect n’est pas chose aisée. Certaines techniques demandent même d’utiliser deux jeux en même temps, s’y retrouver demande alors de la concentration. Donc se rappeler des cartes, du sens dans lequel bouger le stick (bas pour couper, droite pour décaler une carte…), du nombre de coupes nécessaires, etc… Il vous arrivera souvent de relancer une sauvegarde suite à une manipulation impromptue. Le truc génial est qu’au bout d’un moment, après quelques sous empochés, le joueur ressent la sensation grisante d’être devenu un vrai tricheur. Et même une petite pointe de fierté mal placée. Brillant.

CONCLUSION

Que le Dieu des jeux vidéo protège Devolver Digital de la tentation. Qu’ils continuent longtemps à publier des pépites qui ne plairont pas forcément à tout le monde, certes, mais qui resplendissent de par leur créativité. C’est le cas de Card Shark. Nous pouvons dire que le sujet a inspiré les développeurs de chez Nerial. Si vous aimez les cartes, vous aimerez Card Shark. Si vous aimez l’histoire de France, vous aimerez Card Shark. Si vous aimez le bon JV, vous aimerez Card Shark. Une réalisation de haut vol. Un scénario intelligemment amené. Un gameplay innovant. Voici ce que propose ce jeu. Le monde de l’indépendance sait faire vibrer les joueurs. Il le prouve une fois encore sur Nintendo Switch et PC via Steam.

  • Jeu testé sur Nintendo Switch

Card Shark

8.5

Note

8.5/10

POINTS POSITIFS

  • Une réalisation très belle à tous les égards
  • Le gameplay innove et nous donne réellement l'impression d'être un tricheur de talent
  • L'ambiance générale de cette France du XVIIIe siècle
  • Un jeu original qui ne s'inspire d'aucun autre
  • Nous croisons nombre de personnages hauts en couleurs, ce qui donne lieu à de savoureux dialogues

POINTS NÉGATIFS

  • Des explications parfois un peu "brouillones"
  • Le gameplay demande une grande dose de concentration, donc la petite partie lorsque vous êtes fatigué est à proscrire
, , , ,

DickOReilly

Quinquagénaire et heureux papa deux princesses, je suis un amoureux des vieux bouquins et des gros pixels. J'aime particulièrement la scène homebrew sur Commodore 64, le versus fighting, les jeux d'horreur et quelques JRPG. Peace.

Laisser un commentaire