Alors que Third Éditions vient de publier deux nouveaux ouvrages consacrés à Doom et à Steven Spielberg, Geeknplay vous propose la critique de leur livre consacré au jeu vidéo Undertale. Intitulé “L’Anomalie Undertale. Décryptage d’un jeu monstre”, l’ouvrage signé Corentin Benoit-Gonin se propose de revenir sur ce RPG minimaliste signé Toby Fox. L’auteur, au gré de sa plume éloquente, originale, pleine d’humour et à travers 10 chapitres, revient sur ce titre définitivement culte. De la personnalité secrète de Toby Fox au rayonnement de son œuvre auprès de sa communauté de fans, en passant par les caractéristiques intrinsèques du titre, vous découvrirez ainsi ce qui se cache derrière le phénomène Undertale.
Ainsi, cette critique afin devrait vous permettre de savoir si “L’Anomalie Undertale. Décryptage d’un jeu monstre” est fait pour vous ou serait un joli cadeau pour un proche.

Préambule

Impossible de vous parler de ce livre sans évoquer mon expérience avec Undertale. Je me suis procuré le titre de Toby Fox un peu par hasard, lors d’une promotion sur l’eShop de Nintendo. Il a suffi que je découvre le trailer déjanté et sa bande sonore pour me dire “pourquoi pas”. J’avoue avoir eu quelques réticences notamment à cause de son aspect graphique. Mais comme le titre était “culte” pour certains, je pouvais bien me laisser tenter. Jusque-là, croyez-le ou non, je n’avais jamais vraiment entendu parler de ce titre.
Je m’attendais donc à un titre léger et rempli d’humour et finalement, je ne fus pas déçu. Mais là où j’ai été tout de même déconcerté, c’est devant l’atmosphère oppressante de ce titre où tout peut arriver. J’avoue avoir eu quelques sueurs froides et quelques sursauts dans ce titre alors que je ne m’y attendais vraiment pas. Certes, y jouer avant de s’endormir avec un casque vissé sur les oreilles dans le noir complet contribue à rendre l’immersion optimale… Peut-être un peu trop pour ma part.

Undertale brise le 4e mur avec une facilité déconcertante et l’œuvre de Toby Fox laisse une trace indélébile à celui qui la découvre. A noter que j’ai réussi à faire une route 100% pacifiste lors de mon premier run en rechargeant toutefois ma sauvegarde au tout début du jeu… Ce qui n’est pas passé inaperçu ! Et rien que pour ça, le titre est exceptionnel.

Mais assez parlé de mon expérience pour le moment, passons donc au vif du sujet et tâchons de décortiquer plus en détail ce pavé signé Corentin Benoit-Gonin.
A noter d’emblée, comme c’est le cas pour la plupart des livres de Third Éditions , mieux vaut connaître a minima ce titre à l’aspect rétro avant de vous plonger dans la lecture de cet ouvrage.
Mais voyons tout cela ensemble.

Partie 1 – Toby Fox

La première partie du livre se focalise principalement sur le créateur d’Undertale, à savoir, Toby Fox. Même si l’auteur n’a pas eu la chance de l’interviewer directement, il a néanmoins pu collecter d’anciennes informations et interviews concernant le jeune créateur. Il a même pu discuter longuement avec Reid Young (starmen.net, patron de Fangamer), qui a vu grandir le jeune prodige et déceler son potentiel artistique. Pour lui, Toby Fox est presque un “fils”.

Car l’ouvrage met en exergue l’aspect secret de Toby Fox. Né en octobre 1991 aux États-Unis, ses camarades se rappellent de lui comme d’un garçon “bizarre” mais dans le bon sens du terme. Son environnement familial lui permet de découvrir l’univers vidéoludique très tôt. C’est donc enfant qu’il joue à des œuvres cultes telles que Chrono Trigger et surtout Earthbound (l’adaptation de Mother 2 aux États-Unis). Il découvre également rapidement internet dans ce qui semble être l’âge d’or de ce média. Car sans enjoliver les choses, la période de 2004 à 2014 propose un internet où tout semble possible.
Toby Fox intègre rapidement les forums spécialisés (en particulier Starmen.net) et propose même une version “hack” (modifiée) de son titre fétiche, Earthbound, pour fêter Halloween. Le jeune garçon est particulièrement heureux de partager autour des jeux qu’il trouve culte. En ce sens, internet montre son côté fédérateur, permettant à des personnes de se retrouver autour d’une même passion.

Cette première partie évoque également les influences de Toby Fox pour la réalisation d’Undertale. Ainsi, outre Chrono Trigger, ProcessMoon: Remix RPG Adventure a également influencé le jeune créateur, même s’il n’y a jamais joué…

En fait, pour l’auteur de ce livre, il y a 3 titres gratuits et 3 jeux payants qui ont fortement influencé Toby pour Undertale. À côté de Mother, Chrono Trigger ou Shin Megami Tensei, se côtoient Cave Story, le denmaku Touhou et l’énigmatique et étrange Yume Nikki (découvert par Toby Fox via 2chan). Bien sûr, Final Fantasy et même Super Mario RPG ont laissé une forte empreinte sur Toby Fox en tant que joueur.
Car si Undertale semble “irrévérencieux”, il n’en demeure pas moins “plein de références”. (À ce titre, Earthbound bénéficie d’une partie entière pour expliciter la portée de cette série.)

A côté de sa passion vidéoludique et d’être un internaute chevronné, l’auteur nous présente l’attrait de Toby Fox pour la musique et la facilité avec laquelle il peut s’emparer de ce média et créer des compositions. Il a d’ailleurs écrit de nombreux morceaux pour le webcomic Homestuck d’Andrew Hussie. D’ailleurs, ce site bénéficie d’une partie entière dans l’ouvrage tant son importance est cruciale pour comprendre l’accès de Toby Fox à la notoriété.

Cette première partie nous explique donc, en prenant beaucoup de détours, comment un “gamin” a pu accoucher d’Undertale.
La deuxième partie, intitulée “Under The Tale“, décortique à travers 5 chapitres en quoi cette œuvre a permis au jeune artiste de devenir millionnaire.

 

Partie II : Derrière le jeu

Outre les influences vidéoludiques et les cartoons, il semblerait que la série Mr. Bean ait également eu une influence sur l’humour proposé par Undertale. Après tout, le titre n’est-il pas une sorte de Mr. Bean inversé ? En effet, la série britannique nous propose « l’histoire d’un “étranger” (à priori un extraterrestre) qui “tombe” littéralement dans un univers “mystérieux” (le Royaume-Uni) ». Dans Undertale, vous incarnez un protagoniste qui se retrouve dans des souterrains remplis de monstres où il est étranger. Une comparaison pas si déconnante finalement…

Finalement, Undertale est une sorte de melting pot où se côtoient l’absurde, le cartoon, l’amour, et pas mal de slapstick (Ce genre d’humour qui implique une part de violence physique volontairement exagérée qui pullule dans les anime… Tiens ? L’animation japonaise… Encore une influence de Toby Fox.)

Corentin Benoit-Gonin explicite ensuite l’importance prépondérante de l’écriture et de la police choisie dans les dialogues d’Undertale. Chaque personnage propose sa propre police à travers laquelle transparaît sa personnalité. En résultent des personnages multidimensionnels. Ainsi, « outre les monstres monomaniaques tels que “le Vegetoid qui veut absolument vous faire manger des légumes” ou le petit volcan brûlant qui ne rêve que de vous câliner car il pense que la lave soigne les gens », on découvre des monstres à la personnalité plus complexe, mais tous sont “quirky“… C’est-à-dire décalé.
Mais outre la force de ces personnages imaginés par Toby Fox (dont la majorité a été son assistante artistique Temmie Chang), c’est surtout le fait que le titre met le joueur dans une situation de dissonance cognitive qui fait la force d’Undertale. Le titre vous encourage grandement à choisir une voie “pacifiste”. Après tout… Pourquoi massacrer des monstres si une alternative est possible ?
Ainsi, très vite, vous allez devoir sacrifier une personne chère à votre cœur ! Et même si vous revenez sur votre décision une fois l’acte odieux perpétré, le titre gardera en mémoire cette infamie.

De plus, cette partie du livre présente également d’autres facettes du titre qui déstabilisent le joueur habitué au RPG et aux jeux vidéo en général.

Un livre intéractif !

« Toby Fox aime se faire côtoyer l’humour et l’inquiétant, l’attendrissant et le déstabilisant, la chaleur et l’angoisse ». À noter que les versions consoles du jeu permettent moins de facéties que la version PC. Corentin Benoit-Gonin en évoque certaines avant de proposer tout un chapitre sur la musique du jeu.
Un passage particulièrement original, car l’auteur vous invite à vous munir de votre smartphone et à vous connecter à votre compte Deezer, Spotify, Bandcamp, voire même YouTube afin de mieux comprendre ce qui est évoqué. Et nous voilà en train d’écouter les morceaux remarquables du jeu parmi les 101 pistes toutes composées par Fox. Une partie amusante et interactive, originale et bienvenue, même si ceux qui n’ont aucune notion musicale risquent de se perdre quelque peu malgré un aspect didactique évident et des notions simplifiées.

L’aspect « interactif » se retrouve également à deux autres endroits où l’auteur nous invite à poser son ouvrage afin de découvrir des vidéos de Karim Debbache et des épisodes de sa série Chroma qui expliquent des concepts inclus dans le livre.

Undertale : titre moralisateur ?

Pour l’auteur, en tant que conte initiatique, l’œuvre se rapproche du livre d’Alice au pays des merveilles avec un aspect développé de la notion du bien et du mal. Car malgré son apparente liberté, Undertale se révèle finalement être très moralisateur. D’ailleurs, l’auteur (et moi-même) n’avons pas voulu prendre la route « génocidaire » proposée par le jeu tant il nous en a dissuadé.

Undertale se veut donc être une critique du genre du JRPG et de son système d’XP, mais critique également le caractère « complétionniste » qui anime ses titres afin de prolonger leur durée de vie. Il remet donc en question le joueur qui est en nous et nous interroge sur la pertinence de toujours vouloir tout voir. Corentin Benoit-Gonin a ainsi regardé un let’s play de la route « interdite » afin de pouvoir en parler. Il a même eu l’impression que certains passages où le personnage sans parlait s’adressaient directement à lui, spectateur de la vidéo. Et c’est là toute la puissance du titre. Jouer avec les perceptions et proposer une œuvre indépendante singulière.

Corentin Benoit-Gonin compare ensuite Undertale à un oignon où il épluche chaque couche avec son économe (!) afin de découvrir un nouvel aspect. Car non, Undertale ne peut-être assimilé uniquement au genre du JRPG et cache de nombreuses choses.

Ainsi, même si le « choix » de la route n’est pas si libre qu’il semble être, la dissonance « ludonarrative » change drastiquement selon le chemin emprunté. Mais « Undertale, en tant que concept est terminé et absolu » pour l’auteur.

Partie 3 : L’après Undertale

La dernière partie de l’ouvrage insiste sur le « phénomène » Undertale qui a su se hisser dans le top 3 des conversations sur internet lors de sa sortie. Corentin Benoit-Gonin nous explique que Toby Fox avait de nombreux fans qui lui ont permis de sortir son titre via une campagne Kickstarter. Mais sa communauté a explosé à la sortie du jeu. Malheureusement, certains de ses fanatiques peuvent se révéler plus toxiques qu’autre chose. Ainsi, le phénomène Undertale n’a pas échappé à la règle. La communauté s’est emparée avec enthousiasme de leur passion jusqu’à en faire une sorte de culte où il était impossible d’émettre la moindre critique négative.

Toby Fox a ainsi dû intervenir afin de calmer l’engouement des fans de son œuvre. Cosplay, fanart et autres ont explosé et continuent d’animer les sites et événements spécialisés.
Nous comprenons mieux pourquoi Toby Fox refuse d’être un personnage public et préfère vivre caché pour vivre heureux.

Comme l’indique Roland Barthes dans son ouvrage « Mort de l’auteur » et le rappel Corentin Benoit-Gonin, « il est important de séparer le texte de celui ou celle qui l’a accouché, afin de mieux le libérer de la tyrannie d’un « Auteur-Dieu » qui détiendrait la seule vérité immuable. Ainsi, l’interprétation de l’auteur ne vaut pas plus, ni moins que celle d’un lecteur ». Un syndrome qui touche de nombreuses œuvres au final.

Enfin, l’ouvrage évoque Deltarune, le nouveau projet en cours de Toby Fox qui compte déjà deux chapitres jouable (sur sept). Mais comme je n’ai joué qu’à peine une heure au premier chapitre, je n’ai pas voulu me faire spoiler et je lirai cette partie plus tard.

Car oui, l’ouvrage de Third Éditions n’est pas avare en révélations et en spoilers. Heureusement, Corentin Benoit-Gonin nous prévient suffisamment en amont pour que nous ne soyons pas « divulgachés ». Libre à vous de lire ou non les notes de bas (et de côté) de page.

Conclusion

Avec sa mise en page surprenante, ses nombreuses notes de pages et son humour intrinsèque, le style de Corentin Benoit-Gonin détonne à la fois sur la forme et sur le fond. On appréciera particulièrement les passages pseudo-interactifs auxquels je me suis prêté avec joie. Il n’en demeure pas moins que, comme c’est le cas pour la plupart des livres de Third Éditions, il vaut mieux connaître à minima Undertale avant de se plonger dans la lecture de cet ouvrage. Cette mise en garde est même explicitement évoquée par l’auteur dans son avant-propos.

Loin de décortiquer ce titre à l’aspect rétro afin d’en étudier minutieusement son scénario, L’Anomalie Undertale. Décryptage d’un jeu monstre est un livre qui permet de découvrir le background de ce « jeu postmoderne » et de découvrir pourquoi il constitue « une œuvre métafictionnelle ancrée dans son époque ». Un pari réussi pour l’auteur, qui saura satisfaire les plus curieux et exigeants d’entre vous.

Pour vous procurer l’œuvre dans son édition simple qui présente un cœur incrusté sur sa pochette signée Sedetto, c’est ici que ça se passe. Si vous souhaitez l’œuvre First Print avec une couverture exclusive, une jaquette réversible, un ex-libris et le livre au format ePUB, c’est là qu’il faut vous rendre.
Enfin, pour découvrir un extrait de cette œuvre, il suffit de télécharger ceci.

L'Anomalie Undertale. Décryptage d'un jeu monstre

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8.2

Note

8.2/10

POINTS POSITIFS

  • La couverture avec son aspect relief
  • La mise en page et les notes de textes
  • Une plume pleine d’humour, décalée et surprenante
  • Les parties « intéractives »

POINTS NÉGATIFS

  • Il faut connaitre Undertale
  • Une construction cohérente mais qui donne l’impression de partir dans tous les sens
  • Pas d'illustrations
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yancha

Rédacteur avec pas mal d'XP au compteur ayant grandi avec les bornes d'arcades à l'ère 8 et 16 bits.

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