Aujourd’hui, nous allons vous parler d’un film d’animation. Si les plus fidèles commencent à avoir l’habitude, chez Geeknplay nous avons parfois sortir de nos sentiers battus pour découvrir de nouveaux horizons. Alors forcément, quand on reçoit un mail parlant d’un film, d’un livre ou d’un jeu atypique, on est tout de suite partant pour le présenter. C’est donc le cas de Nymphopolis, un film réalisé par Estelle Charrié et par Alexis Beaumont. Grâce à leur vision du monde et avec l’aide du studio Bobbypills, la réalisatrice et le co-scénariste livre ici un magnifique conte qui place la femme au centre de toutes les attentions, pour le meilleur comme pour le pire.
NYMPHOPOLIS : QUAND LES MYTHES S’ÉFFONDRENT
Alors qu’elle pense jouir d’une vie parfaite aux côtés de son maître Zeus, une jeune nymphe nommée Ingénue tombe de l’Olympe. Sous les nuages, elle découvre alors une gigantesque ville qui réserve un sort tout particulier aux femmes. Refusant de se soumettre à cet ordre établi, elle n’aura pas d’autre choix que de faire face à tout un Panthéon de Dieux et de mener ainsi la Cité vers la révolution.
Nymphopolis nous plonge donc dans un univers fictif où les travers sexistes de notre société sont mis en exergue. Cette ville est régie par des entités divines et charismatiques, où chaque dieu n’est autre qu’une métaphore de nos institutions (la justice, l’école, le travail…), tout comme l’étaient les dieux à l’époque antique. Mais au lieu de suivre le destin glorieux d’un héros masculin, nous suivons les déboires d’une jeune Nymphe qui ne souhaite qu’une chose : retrouver sa vie paisible auprès de Zeus. Embarquée malgré elle dans les querelles divines et les drames politiques, dans Nymphopolis où elle n’est perçue que comme une chose fragile et où tous ces adversaires font l’erreur de la sous-estimer, Ingénue va provoquer une révolution.
“La première fois qu’Ingénue a fait son apparition dans mon esprit c’était pendant le festival du court métrage de Clermont-Ferrand. J’étais en deuxième année d’étude à l’EMCA et on commentait les films qu’on avait vu pendant le festival en se disant qu’il y avait beaucoup trop d’histoires de femmes victimes de violences, parfois visibles à l’écran, parfois suggérées, mais souvent crues, dures, et mises en scène avec voyeurisme. Jamais il n’était question de comprendre les personnages féminins qui vivaient ces horreurs mais seulement d’utiliser leur souffrance pour le spectacle. C’est un moment de ma vie où je réfléchissais à mon film de fin d’étude, et j’ai pensé à ces jeunes filles qu’on utilise comme de la chair fraîche au cinéma. Elles me faisaient penser aux nymphes de la mythologie grecque, et j’avais vraiment envie de leur offrir une autre histoire. J’ai donc écrit un film qui raconte le jour où une nymphe ignorant tout du monde moderne décide de partir à l’aventure : Nymphe, La Vie Moderne. C’était super, et j’ai eu des retours positifs qui m’ont largement encouragée à continuer de raconter son histoire. J’ai ainsi imaginé les personnages qu’elle pourrait rencontrer, de jeunes adultes comme moi, un peu perdus dans leur vie mais qui se posent des questions et qui veulent un monde meilleur à leur manière. En parallèle je m’intéressais toujours beaucoup aux questions féministes et c’est comme ça que d’autres notions sont venues nourrir l’histoire d’Ingénue : la sexualité non hétérosexuelle, la compétition entre femmes, le patriarcat. Estelle Charrié, réalisatrice.”
De son côté, Alexis Beaumont nous parle lui aussi du fossé qui sépare les hommes des femmes et de ce que Nymphopolis lui a apporté :
“J’ai rejoint l’écriture de Nymphopolis par un concours de circonstances. Après avoir écrit pendant 6 mois sur ma série Vermin, j’ai dû abandonner mon grand projet car Nymphopolis avait besoin d’un œil neuf. Je ne m’étais jamais senti légitime sur le sujet du féminisme, en tant qu’homme, blanc, hétérosexuel, bien dans sa peau, qui n’a jamais connu la pauvreté ni la discrimination, et dont la carrière se porte bien. Autrement dit, j’ai toutes les raisons de continuer ma vie sans me poser de question et laisser ça à d’autres. Mais pour que la collaboration avec Estelle soit fructueuse, il fallait que je déconstruise toutes ces choses. Cette expérience m’a appris que l’introspection est une source d’inspiration incroyable. A travers cette histoire, je voudrais parler de masculinité, de ma difficulté à exprimer mes émotions, de ma fierté, de mon rapport aux femmes, de l’absence de contact physique entre les hommes, de mon besoin de tout réussir, d’avoir raison, et de ma déconnexion avec mon propre corps. Tout l’enjeu de cette collaboration était de ne pas imposer mes idées, ni de juger les siennes, mais bien d’avancer ensemble vers un nouveau concept, plus clair et plus universel, qui allait nous permettre d’aborder tous les sujets qui nous tiennent à cœur. Cette série est importante pour moi, car elle m’a permis, en quelques sorte, de descendre de mon Olympe. Alexis Beaumont, co-scénariste.”