Critique Commander Légendes

C’est éreinté par une longue chevauchée que vous faites halte à l’auberge. Accoudé au bar aux côtés de votre compagnon de voyage, vous apercevez une table où l’on joue aux cartes. Vous en apercevez ensuite une autre où plusieurs individus écoutent un éloquent orateur conter ce qui semble être une aventure. Dans la pièce, les dés roulent, les rires s’envolent et les cartes vont et viennent. L’ambiance est chaleureuse et vous sentez l’apaisement vous gagner. Alors que l’aubergiste remet une buche au feu, vous hésitez à vous lancer. “Jeu de rôle ou Jeu de cartes” lancez-vous finalement à votre camarade. “Pourquoi choisir ? rétorque celui-ci. Deux mastodontes de l’heroïc-fantasy ne peuvent-ils pas se donner la main pour unifier leurs communautés ?” Après quelques secondes de réflexion, vous concluez cet échange : “Il est temps d’en avoir le coeur net”. Vous faites alors craquer vos jointures et vous installez ensemble à une table innocupée. 

Une associtation qui sonne comme une évidence

Magic The Gathering Baldur's GateTout d’abord, cousin spirituel de Forgotten Realms, ce nouveau set renforce le lien déjà très net tissé entre le JDR de légende et le TCG désormais trentenaire. En effet,  la magie opère et l’alchimie est perceptible sur un double niveau. En premier lieu, comme dans Forgotten Realms, l’univers de D&D apparaît comme parfaitement retranscrit par le biais des cartes. Les visuels somptueux nous rappelent rapidement les théatres les plus évocateurs de nos épopées donjonesques. Mais les mécaniques ne sont pas en reste. Le tour de force de ce crossover réside probablement là : les cartes Magic de ce set semblent avoir été pensées pour incarner le morcelage idéal du Lore de Donjons & Dragons. De donjon en caverne, en passant par la taverne, on déniche rapidement du matériel indispensable à toute aventure : Outils de voleurs, Sac d’explorateur, Hache géante ou encore l’inévitable Coffre au Trésor. Nous croisons aussi de nombreux personnages qui paraissent tout droit sortis de l’esprit fécond d’un Maître du Donjon très inspiré. On prend enfin un plaisir considérable à laisser nos yeux s’égarer sur les terrains, à puiser leur mana pour déchaîner nos sorts et faire déferler sur notre adversaire une horde qui aurait même fait tressaillir Leeroy Jenkins.

A titre d’exemple, les dragons sont évidement présents en nombre parmi le roster de ce set. Du Dragon Sismique au Dragon d’or ancien, en passant par le Dragon de cristal on sent toujours planer au-dessus de nos têtes le risque de se retrouver face à un reptile volant au détour d’un booster. Ces créatures de légende, qui ont à la fois façonné l’histoire de D&D et celle de MTG, constituent un ajout de taille pour les Commander Dragons. Disponibles dans plusieurs couleurs, certains d’entre eux comportent des effets redoutables. D’autant que de nombreuses cartes permettent de faciliter leur invocation ou de générer de puissantes synergies dont ils dépendent. C’est par exemple le cas des orbres des dragons, disponibles dans chaque couleur, qui offrent du ramp et un effet spécifique lié à l’invocation de dragons. Ce peut également être le cas du Commandant (qui peut lui-même être un dragon d’ailleurs), comme l’illustre l’effet de Skanos Coeur-Dragon visible ci-dessous.

Les Donjons se sont pas en reste et l’on bénéficie même de l’apparition d’un donjon inédit : Les Souterrains. Nous reviendrons sur ce point en fin d’article afin de démontrer qu’il sert à la fois à produire un lien de choix avec la licence D&D et à introduire une nouveauté. En parallèle de leur exploration, il est possible de mettre la main sur de précieux diamants. Ceux-ci sont disponibles dans chacune des 5 couleurs et offrent une source de mana alternative assez intéressante en format Commander. Qui dit donjon dit évidemment portes ; et en dehors de celle de Baldur qui donne son nom à ce nouveau Set, on trouve plusieurs de ces terrains spéciaux qui permettent principalement de générer deux couleurs différentes en une seule carte. Enfin, arrêtons-nous un instant sur les Trésors dont l’abondance pléthorique dans ce set nous paraît pouvoir d’ores et déjà redorer le blason d’un Deck Commander Pirates tombé en désuétude. En effet, de nombreuses cartes, créatures, artefacts et sortilèges, permettent de générer ou d’utiliser les trésors à son avantage. Ces sources de mana bien pratiques se muent alors en leviers à l’efficacité redoutable pour accéder à la victoire.

Les mécaniques du set

Magic The Gathering Baldur's GateSur le plan purement mécanique, nous avions déjà eu droit, avec Forgotten Realms, à l’introduction de mots-clés inédits qui constituaient un pont à la fois évident et pertinent entre MTG et D&D. Celles-ci sont bien évidemment de retour pour notre plus grand bonheur. Munissez-vous donc de votre dé 20 et laissez le destin décider de l’issue de votre Recrutement ou de la collecte de l’Ogresse Entasseuse. Les Aventures sont légion dans ce Set et permettent d’offrir un effet alternatif très appréciable à certaines cartes qui paraîtraient coûteuses sans cela. Que serait le Dragon d’émeraude sans sa capacité à contrecarrer à tout-va… Mais la mécanique qui constitue à nos yeux le pont le plus solide entre les univers du jeu de rôle et du TCG est le choix. Symbole du succès de cette association, les choix (certes déjà présents par le passé dans les Sets MTG) viennent ici nous placer dans la position classique de l’aventurier auquel le Maître du Donjon fait une proposition. La versatilité qui en découle en cours de jeu est particulièrement bienvenue pour répondre à la multitude de situations complexes que peut offrir un partie de Magic. Aussi, si Vous vous retrouvez à la taverne, vous aurez le choix entre former un groupe ou déclencher une bagarre ; dilemne bien connu des rôlistes vétérans.

En parallèle, nous avons également pu constater que certaines mécaniques qui ont fait le succès de Decks Commander divers et variés par le passé peuvent être approvisionnés par celui-ci. C’est par exemple le cas de decks qui se basent sur les jetons. En effet, à l’image de Cadira, meneuse du minuscule, de nombreuses cartes permettent de remplir rapidement votre board. En outre, de nombreuses créatures possèdent la Myriade. Ajoutez à cela la possibilité de générer des jetons Trésor pour déclencher des effets à tors et à travers et vous obtiendrez de quoi provoquer une sévère migraine chez votre adversaire. D’autre part, nous avons pu mettre la main sur de nombreuses cartes comportant des mécaniques qui impliquent le cimetière. Cela peut passer par de l’auto-meule, ou par le sacrifice de créatures jetables (gobelins ou zombies par exemple). Il se peut donc que certaines cartes viennent renforcer des decks monochromes noir, zombies ou même vampire. L’option bicolore noir-vert (Golgari) nous semble également tout à fait jouable pour un retour en force des mécaniques impliquant de jouer depuis le cimetière.

Il en va de même pour l’Exil où de nombreuses cartes ne manqueront pas de s’égarer dans ce set. Que vous optiez plutôt pour des sorciers pouvant jouer depuis l’Exil ou pour des sortilèges qui n’en finissent plus de répéter leurs effets, vous serez servis. Enfin, du fait de la présence des enchantements inédits dont nous parlerons ci-dessous*, nous envisageons très sérieusement le renfort des decks qui tournent autour des auras. En effet, des cartes telles que Mazzy, paladine à l’épée juste, peuvent rapidement générer une force de frappe considérable tout en donnant une seconde vie aux enchantements détruits. Bien que les identités couleurs doivent être accordées, imaginez ce que cela pourrait donner aux côtés d’un Daxos le Reparu, d’une Estrid (Planeswalker) ou d’une Tuvasa baignée de soleil… Les créatures-enchantements pourraient aussi se révéler pertinentes pour bénéficier de ces effets. Citons enfin brièvement les Véhicules qui sont aussi présents dans ce set. Les possibilités nous semblent donc larges pour remettre au goût du jour des decks et mécaniques que nous avions provisoirement délaissées.

L’identité de ce Set

Magic The Gathering Baldur's GateMais alors, même si ce set réussit à merveille à transposer les mécaniques du JDR sur le “gameplay” d’un TCG et qu’il permet à des mécaniques chères à notre coeur de refaire surface, quelle peut bien être son identité propre ? Nous pensons que celle-ci réside tout simplement dans le focus sur le Commander. En effet, la présence de nombreuses cartes légendaires peut constituer un premier argument. Le choix n’en sera que plus vaste pour déterminer vos identités-couleurs ainsi que la direction prise par votre deck. De plus, nouveauté importante, certains Commanders peuvent désormais bénéficier d’un Passé. Ces enchantements* inédits ont la possibilité de démarrer la partie au côté du Commander auquel ils sont associés. Concrètement, cela signifie qu’ils sont à tout moment disponibles depuis la Zone de commandement. Cela nous paraît être à la fois un excellent élément venant épicer le déroulement du jeu, tout en abondant le Lore d’habile manière. En effet, les afficionados de ce format le savent, il existe un lien que l’on pourraît presque qualifier de tendre unissant un joueur à son Commander fétiche (clin d’oeil en direction d’Arahbo). Nous sommes par conséquent convaincus que nombre de joueurs de cracheront pas sur quelques éléments disséminés sur une carte Passé pour en apprendre davantage sur leur champion.

En parallèle, la présence du mot clé Inciter vient également renforcer le sentiment que le Commander est mis en lumière. En effet, une créature incitée devra obligatoirement attaquer à chaque combat, mais aura l’obligation de viser un autre joueur que le propriétaire de l’incitateur si possible. Voilà qui nous paraît redoutable en format multijoueurs. Laisser ses adversaires s’entre-déchirer pour mieux pourfendre le survivant à l’aide d’un Commander dopé… voilà qui est tentant. Les possibilités sont nombreuses : des decks lents qui incitent pour se protéger aux decks fourbes qui utilisent à bon escient les créatures des autres à leur avantage… L’idée sera de toute façon de regarder vos adversaires s’étriper tout en leur servant votre plus beau sourire faussement contrit.

Seconde et ultime mécanique novatrice de ce set, la Prise d’Initiative mérite également que nous nous attardions quelques instants. Attention, disons-le tout-de-go, ceci n’est pas à confondre avec le mot-clé désormais très répandu : Initiative (First Strike en anglais). Il s’agit de tout autre chose. Tâchons d’être clairs : il s’agit concrètement d’un croisement entre les mécaniques Monarque (née dans le format Conspiracy) et S’aventurer dans le Donjon (issue de Forgotten Realms). Ainsi donc, au début d’une partie, nul ne possède l’Initiative. Celle-ci ne s’acquiert que par le biais de cartes spécifiques telles que l’Aventurier de Montprofond. Par la suite, tout joueur infligeant des blessures à celui qui possède l’Initiative la récupère. Concernant l’utilité d’une telle manoeuvre, sachez qu’à chaque début d’entretien si vous êtes en possession de l’Initiative, vous aurez la possibilité de vous aventurer dans un Donjon déjà en jeu. Si vous n’en possédez pas, vous vous enfoncerez dans Les Souterrains. Il s’agit d’ailleurs du seul moyen d’accéder à ce Donjon inédit.

Conclusion

Finalement, au terme de notre exploration aventureuse de ce set, nous ne pouvons dissimuler notre emballement. Les fans de D&D qui, comme nous, ont bifurqué vers Magic dans les années 90 seront à même de retrouver mille et une références à leurs aventures de jeunesse. Ils y contempleront les visuels soignés de créatures ayant marqué l’histoire de la saga tout en appréciant l’effort d’adaptation du style visuel, opéré pour coller à l’univers MTG. On apprécie au passage les illustrations alternatives au style parcheminé qui opèrent un clin d’œil très adroit à l’esprit D&D. Côté mécanique, ce set n’a clairement pas l’ambition de révolutionner le format Commander. Bien que nous ayons été conquis par l’ensemble des éléments proposés, aucun d’entre eux ne nous a mis de véritable claque. Mais l’essentiel est ailleurs. Il s’agit plus vraisemblablement d’un set destiné à abreuver les joueurs chevronnés dans leur quête de deckbuilding, car de nombreuses cartes paraissent véritablement puissantes (certains dragons pour ne citer qu’eux). Il peut également s’agir d’un set qui permettra à des fans de JDR de s’initier au format Commander de Magic, tant les cartes qui le composent transpirent l’heroïc fantasy. C’est donc un set réussi, qui se situe en droite lignée de Forgotten Realms. Il n’était d’ailleurs pas acquis que le “portage” au format Commander soit si bon. Réjouissons-nous donc, le pont dressé entre Donjons & Dragons et Magic the Gathering a fière allure. Il nous paraît à la fois solide et somptueux, à l’image de la Porte de Baldur dont le souvenir hantera à jamais notre cœur d’une merveilleuse nostalgie.

Magic The Gathering : Commander Légendes

9

Note

9.0/10

POINTS POSITIFS

  • Connexion parfaite entre les deux univers
  • Visuels somptueux et Lore évocateur
  • De réelles perspectives de renfort pour des Decks Commander qui avaient disparu de la méta
  • Des Dragons, des Cristaux et des Donjons... que demander de plus.

POINTS NÉGATIFS

  • Une identité de Set peu marquée
  • Les mécaniques exclusives (Inciter et Prise d'Initiative) qui pourraient se révéler anecdotiques
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