Foretales

Tout droit issu des cerveaux féconds des studios Alkemi et Dear Villagers, Foretales se présente comme un jeu de decksploration. Plus concrètement, on nous y raconte une histoire dont on va pouvoir façonner les contours en jouant des cartes. Les graphismes attrayants du titre ont eu tôt fait de nous taper dans l’œil, nous sommes donc impatients de nous y lancer pour déterminer ce que son gameplay a dans le ventre.

Une aventure palpitante narrée à coups de cartes

ForetalesIntéressons-nous tout d’abord au scénario, élément fondateur de Foretales qui ne cache pas un seul instant son ambition : conter une histoire. En début de partie, nous prenons donc les rennes d’une petite équipe composée de deux personnages. Le premier, Volepain, n’est autre que le personnage principal de notre aventure, autour duquel pourront venir s’agréger plusieurs alliés par la suite. Le plus fidèle d’entre eux, se nomme Léo. Nos deux compères sont mandatés pour dérober un précieux artefact : une lyre. Mais alors qu’ils parviennent à mettre la main dessus au cours d’une première mission (qui jette d’ailleurs très efficacement les bases du gameplay), Volepain, au contact de l’objet, est pris par d’effroyables visions apocalyptiques. Celles-ci se révèleront déterminantes car, dès lors capable d’entrevoir certains évènements tragiques, notre héros aura à décider comment agir pour contrecarrer le destin.

Il est à noter que tous les personnages possèdent une apparence hybride, à mi-chemin entre l’homme et l’animal. Ainsi, Volepain est un homme-volatile (un bec-en-sabot très exactement) tandis que Léo appartient à la famille des hommes-félins. De nombreux espèces composent le paysage de Foretales, et disons-le tout-de-go, c’est là un premier point fort du jeu. En effet, comme nous le mentionnerons plus en détail ci-après, le jeu est magnifiquement illustré. Aussi, l’apparence des personnages que l’on croise sur notre chemin, qu’ils soient alliés, ennemis ou neutres, est magnifiée par le visuel des cartes. Cela crée un sentiment d’immersion très profond. C’est bien simple, après quelques minutes de jeu à peine, on a visuellement l’impression d’avoir plongé la tête la première dans un conte dont le charme n’a aucunement à rougir face aux superproductions du calibre de celles de Disney.

De plus, bien que les grandes lignes du scénarios soient tracées pour délivrer de précieux repères, il incombe au joueur d’emprunter la voie de son choix au cours de sa partie. Foretales fait partie de ses jeux qui posent un grand livre devant vous et placent la plume dans votre main. Les pages sont déjà numérotées, les lieux, personnages et intrigues sont créées. Il n’appartient désormais plus qu’à vous de tracer votre chemin en pesant vos actions, et en opérant des choix consciencieux. En jeu, le périple prend la forme d’un menu en forme toile sur laquelle sont disposées les différentes cartes missions qui constituent les ramifications scénaristiques. Choisir de réaliser telle mission avant telle autre est rarement anodin, car les répercussions de vos choix ouvriront certaines possibilités et en fermeront d’autres. Ce faisant, le titre s’offre le luxe de proposer une rejouabilité appréciable, bien que les plus acharnés ne doivent invariablement multiplier les parties pour obtenir tous les cheminements existants.

Un Gameplay qui a plus d’un tour dans sa manche

ForetalesEn ce qui concerne le gameplay à présent, tout s’effectue à la souris. Le pointage se révèle très agréable, et les commandes intuitives. Passer le curseur sur une carte en révèle juste assez pour titiller la curiosité. Les textes sont d’ailleurs rédigés avec soin, ce qui est de très bonne augure pour un jeu où la structure narrative occupe une place centrale. Pour progresser dans notre aventure, nous disposons de cartes dans notre main, qu’il faudra faire interagir avec les cartes lieux, déposées au centre de la table. Le simple fait de faire glisser une carte de notre main sur un lieu permet d’entrevoir ce qui se passerait, octroyant la possibilité de mesurer la portée de nos actes. Les cartes présentes dans notre main se divisent en deux catégories : les cartes compétences et les ressources.

Les premières sont propres à chaque personnage. Par conséquent, le choix des membres de l’équipe au début d’une mission est primordial. Vous devez prendre quelqu’un en filature ? Optez pour des héros furtifs. Vous devez foncez dans le tas ? Karst le Gorille est votre homme. Ces compétences octroient également divers bonus en combat, mais le plus pertinent est de les utiliser à bon escient pour récolter des objets, ressources et précieux renseignements. Ce dernier élément peut paraître anecdotique. Pourtant, dans Foretales, les informations sont la clé des succès retentissants. En effet, quel plaisir de parvenir à résoudre une situation complexe en assemblant les dires de plusieurs personnages pour atteindre astucieusement nos objectifs. Bien loin de proposer un déroulement linéaire, le gameplay incite à l’expérimentation. Il faudra accepter de tester des actions et d’endurer leurs conséquences parfois punitives. Ceci peut clairement rebuter les adeptes des jeux à la structure moins rigide. Mais nous pensons que Foretales est pensé pour singer un livre dans lequel on ne revient pas en arrière au cours d’une même lecture.

En outre, il est possible de récolter de nouvelles compétences des sortes de quêtes annexes. Celles-ci requièrent davantage de discernement dans la mesure où les informations révélées le sont partiellement. Il faudra donc effectuer plusieurs actions ou récupérer diverses ressources en visitant des lieux dans un ordre bien précis. Ces combinaisons d’actions aboutissent toutefois à un sentiment fort gratifiant car on a la nette impression d’avoir exploré une ligne scénaristique en entier. Par ailleurs, cet accomplissement s’avère toujours payant tant les compétences débloquées sont susceptibles de changer la donne par la suite. Néanmoins, il est extrêmement périlleux de récupérer certaines d’entre elles. Et cela forcera donc inévitablement les plus déterminés à recommencer une partie en veillant à chaque action entreprise. Ce parti-pris exigeant est susceptible de générer quelques frustrations, mais il serait dommage de faire de ce point-ci un nœud de contrariété si grand qu’il éclipserait toutes les autres qualités du titre.

Une gestion astucieuse des ressources

ForetalesEn parallèle, il est possible de définir son propre style de jeu, et cela aura un impact sur la façon dont vous serez perçu ou sur les réactions de certains personnages. Si vous êtes du genre à souhaiter passer inaperçu en toutes circonstances, le pacifisme et la discrétion seront de mise. Si vous préférez semer les cadavres sur votre passage du moment que votre but est atteint, le cimetière sera bien garni. Quoi qu’il en soit, on a un réel sentiment de main mise sur le cours du jeu, et par voie de conséquence, sur le cours du destin de nos héros. Il n’existe pas de boucles permettant de générer des ressources à l’infini. Malgré la possibilité d’échanger les compétences que l’on a en main avec celles de la pioche, on est vite limité dans nos choix. Ces cartes s’épuisent au fur et à mesure, nous enjoignant à la parcimonie pour ne pas se retrouver bloqué en fin de mission. Toutefois, une mécanique de repos permet de récupérer une partie, mais, la plupart du temps, ce repos sera coûteux en ressources.

Intéressons-nous justement à ce second type de cartes présent dans nos mains, qui se révèle fort utile et très plaisant à manipuler de part sa versatilité. En effet, les ressources sont nombreuses et possèdent des usages différents qui, bien qu’ils demeurent logiques, peuvent altérer grandement votre mission. Commençons donc avec l’or, qui permet bien évidemment de commercer, mais aussi de soudoyer. Cela sera bien utile pour échapper à certains combats contre des gardes à la moralité douteuse ou des bandits aux poches trouées. Ensuite, vient la nourriture, qui permet principalement de se soigner. Il est toujours rassurant d’avoir quelques unités dans nos poches, afin de parer à toute conséquence malheureuse de nos actions. De plus, certains personnages tels que les mendiants par exemple, seront à même de délivrer de bonnes informations une fois le ventre rempli.

Les deux ressources suivantes ne sont pas réellement antinomiques, pour autant l’une s’obtient en agissant avec bonté tandis que l’autre voit sa valeur croître lorsque des méfaits sont commis. Gloire et Infamie ne se révèlent pas effectivement opposées car leurs usages peuvent se révéler complémentaires. A titre d’exemple, il est possible de commencer par faire ami-ami avec des malfrats avant de les trahir purement et simplement. Ainsi, il est souvent pertinent d’entreprendre des actions qui apportent l’une et l’autre de ces ressources. Le jeu offre donc un regard assez mature sur la trajectoire héroïque de nos personnages, ne souscrivant pas à un manichéisme niais. C’est davantage l’approche globale de la mission qui s’avèrera déterminante. Un plus grand nombre d’actions glorieuses vous donnera l’aura d’un héros bienveillant. Pour autant, les félons mis à mort par vos soins feront grimper votre Infamie, et vous auriez tort de vous priver de son usage.

Foretales : comme une leçon de story-telling

ForetalesParlons à présent des différents moments qui jalonnent votre aventure. Là encore, le jeu s’en tire magistralement en offrant, dans chaque mission, une structure parfaitement cohérente qui nous tient en haleine. Concrètement, Foretales suit à merveille les différentes étapes du schéma narratif dans chacune de ses missions. Procédons donc chronologiquement et abordons en premier lieu la situation initiale. Au début d’une mission, le décor est planté par les cartes lieux qui sont disposées devant nous. Il y en a toujours plusieurs (4 le plus souvent), de sorte que l’on puisse choisir par où ou quoi commencer. Un court dialogue introductif tient lieu de rappel des enjeux de la mission en cours et c’est parti, nous avons le champ libre pour tenter de composer avec l’élément perturbateur de notre histoire. Que nous choisissions de nous diriger vers la taverne pour faire le plein de nourriture, ou que nous souhaitions directement croiser le fer avec le premier venu, les péripéties ne tardent jamais à arriver.

C’est alors l’occasion de parler des combats. Ceux-ci se déclenchent lorsqu’une carte lieu est défendue par des adversaires ou lors d’évènements soudains. A part dans ce dernier cas précis, les combats débutent toujours par une phase de négociation. On peut alors choisir de dépenser nos cartes compétences pour buffer nos héros ou réaliser diverses actions délétères sur l’équipe adverse (étourdir, dérober des objets, saper le moral…). On peut également, et c’est ce qui sera le plus utile, utiliser nos cartes ressources pour éviter un affrontement direct. En effet, recourir à quelques pièces pour soudoyer, un peu de nourriture pour amadouer, utiliser notre gloire pour impressionner ou notre infamie pour intimider sont autant de solutions qui permettent de s’épargner une empoignade. Celles-ci se résolvent au tour par tour, chaque carte frappant celle qui lui fait face.

Malgré la possibilité d’utiliser des unités de soutien, des objets de dégâts directs ou encore des compétences aux effets intéressants, il est souvent plus pertinent d’éviter l’affrontement. Cela est particulièrement vrai en fin de partie, lorsque les adversaires commencent à frapper fort, et que les points de vie de nos héros peinent à se maintenir à un seuil décent. Une fois les péripéties résolues, la résolution vient clore la mission ou nous emmener sur le prochain segment de celle-ci. En guise de situation finale, les dialogues de nos personnages, dans le menu des missions, permettent de suivre le déroulement du scénario. Ainsi donc, chaque mission constitue une petite histoire dans la grande. Et, à la manière des poupées russes, celles-ci s’emboitent pour offrir un tout cohérent.

Une perle scintillante dans l’océan des card-games

ForetalesAbordons à présent les qualités esthétiques de Foretales. Disons le simplement : nous avons trouvé le jeu magnifiquement illustré. Le charme visuel des cartes qui défilent sous nos yeux et entre nos mains nous a donné l’impression de jouer à un jeu de société d’excellente facture, sur un écran. Les personnages sont habilement croqués et l’histoire se retrouve morcelée sous nos yeux. Quel plaisir de s’attarder sur les illustrations des décors ! Nous ne comptons plus les sourires ayant glissé sur nos lèvres à la vue d’un ennemi à l’apparence singulière… Et bien que le tout puisse paraître assez enfantin de prime abord, la présence d’une sérieuse intrigue et d’une difficulté bien dosée réhausse rapidement l’ensemble. On a donc le sentiment d’explorer un conte dont la douce saveur régressive nous berce, mais on est suffisamment tenu en haleine par le rythme du jeu pour faire chauffer nos méninges.

En cela, l’ambiance sonore apporte un réel plus à l’immersion. Les musiques savent se faire discrètes pour magnifier l’action visuelle et le déroulement des actions. De la même façon, les bruitages sont parfaitement incorporés dans le jeu, tout comme les voix qui donnent vie à l’histoire. Mais malgré ces qualités visuelles et sonores qui nous ont quelque peu laissé pantois, le jeu ne se départit pas de sa relative difficulté. Si l’avancée dans les niveaux est progressive, et les game over assez rares lorsqu’on prend le temps de réfléchir, le jeu offre un sérieux défi à qui voudra l’explorer complètement. Peut être n’est-il pas conçu pour cela, mais fouiller les recoins de chaque mission dans Foretales demandera une bonne dose de patience. En bref, le jeu est fouillé au point que deux joueurs lançant une partie en même temps n’auront pas la même trame scénaristique à se raconter à la fin.

Conclusion

Vous l’aurez compris, à la lumière de tous ces éléments, Foretales nous apparaît comme un véritable bijou. Le souci du détail transparaît dans sa conception, tant sur les plans esthétiques et scénaristiques qu’au niveau du gameplay. Si sa rejouabilité peut se révéler bridée par l’inévitable redondance de certaines situations, vous ne verrez pas passer la dizaine d’heures nécessaires à l’aboutissement de votre première partie. Le jeu adopte un dosage minutieux entre liberté laissée au joueur et guidage serré sur certaines points de l’intrigue. Nous avons constamment eu la sensation de prendre part à une grande et belle histoire, tout en jouant aux cartes à travers un gameplay bien rôdé.

* Test réalisé sur PC

Foretales

19.99 €
9.5

Note

9.5/10

POINTS POSITIFS

  • Une structure scénaristique remarquable
  • Des graphismes très travaillés et des visuels sompteux
  • Un système de jeu intuitif dont les subtilités s'acquièrent par la réflexion
  • De nombreuses options et choix différents
  • Une ambiance sonore très agréable

POINTS NÉGATIFS

  • Une rejouabilité modérée pour ceux qui n'aiment pas tout recommencer
  • La composante "hasard" inhérente aux jeux de cartes qui déplaira à certains
  • Le côté punitif de certaines décisions mal pesées au préalable
  • La trop impérieuse nécessité d'éviter les combats par moments
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